la nouvelle villa de Hyobe

Il est vrai que je puis me faire passer par un blasé de la vie, qui ne s’intéresse et ne s’émeut plus de rien. Mais c’est faux, complètement faux. Je ne suis pas tellement émotif, pas dans le bon sans en tout cas, mais j’étais toujours aussi curieux. Je pouvais détester l’époque dans laquelle j’évoluais, ça n’empêche que parfois, elle était intéressante. J’aime toujours autant découvrir les gens, sans doute à cause de mon esprit fort dirigé vers la sournoiserie et le sadisme. Je suis programmé pour faire du mal, du moins, c’est ainsi que je me vois. Je pose des questions courantes, parfois frôlant le personnel, pour mieux les intégrer dans ma mémoire et m’en servir plus tard, quand viendra la bon moment, et jamais personne, ou presque personne, ne c’était douté dès le début de ce que je pouvais faire. Mon visage semblait trop pur, j’avais parfois l’air trop souffrant et nostalgique, tel un enfant abandonné. De prime abord, on ne pouvait deviner ce que j’étais vraiment, si je me donnais la peine de le cacher légèrement.

J’écoutai donc toute sa réponse, sans jamais intervenir ou qu’une quelconque émotion ne vienne troubler mon visage. Il était donc directeur pour gosse abandonné… Il n’y a que sur Terre qu’on fait ça. Du moins, dans les cieux, je n’ai pas souvenance que quelqu’un m‘ai recueillit. Je grimaçai légèrement à la toute fin en pensant que vraiment, les dieux avaient tout fait pour me ruiner la vie. Ils devaient se douter que me bannir ici, dans une vie immortelle avec des mortels, dans une vie que je ne saurais accepter car je suis tout de même fier de mon rang de dieu ancien, ne m’aiderait forcément pas à m’intégrer. J’étais en quelque sorte, un éternel paria.

Je fini par fausser les épaules après plusieurs longues secondes. Que pouvais-je répondre à ses interrogations ? Devais-je énumérer tous les boulots déjà effectué dans ma vie ? Et concernant mon âge ? Répondrais-je mille ans, deux milles ? Ou peut-être cent ? Vingt, trente ? Je pris enfin la parole pour murmurer dans un souffle à peine audible :

- J’ai une certaine affinité avec le monde de l’art et de ce qui est beau. Artiste de rue me conviendrait. Quant-à mon âge, je dirais dans les vingt-trois ans peut-être. A vrai dire je n’ai jamais vraiment su quand j’étais né.

Je le suivi jusqu’à sa voiture, sans doute bien cher, plus que je m’y attendais sûrement, puis montai dedans, m’attachant, comme il le souhaitait. Je voulais bien me plier à ses exigences vu qu’il m’invitait gracieusement chez lui. Et puis j’étais soudainement trop las que pour protester ou être débordant d’énergie. Il arrive que je passe ainsi d’un sentiment à un autre, tomber dans l’apathie la plus totale, sans qu’il ne semble y avoir un raison à cela.

La voiture démarra donc, et je me laissai bercer par le bruit discret du moteur, par la conduite du jeune homme. Je posai l’en de mes coudes près du rebord de la vitre et contemplai le paysage qui défilait sous mes yeux, m’enfonçant dedans et oubliant presque tout ce qui se trouvait autour de moi. Oui, j’avais cette capacité à m’isoler complètement du monde, en le voulant ou non. Ce monde où je me rendais était bien plus reposant et agréable que celui réel et tangible où je me trouvais… Je ne posai plus aucune question au jeune homme, j’en savais déjà bien assez et il m’était assez aisé de faire des déductions. Sans compter qu’il aurait été parfaitement criminel de briser le délicieux silence qui s’était installer.

Puis nous arrivâmes, la forêt, la grille, l’immense demeure. Certes tout ceci était magnifique, mais je ressentais brusquement au fond de moi, une répulsion à entrer dans ce domaine. Je devrais être habitué aux demeures de ce genre, avec l’Olympe, les Cieux et leurs domaines, leurs palais de marbre blanc, sublime… et dans lesquelles je n’étais généralement pas convier. J’avais eu un habitat fort confortable, Eros aussi d’ailleurs, mais rien en comparaison de nos géniteurs. Il m’arrivait donc parfois de détester les habitats trop spacieux et luxurieux. J’espérais vraiment que cela serait une passade. Cela serait bien plus vivable pour Hyobe et pour moi-même. Enfant, je ne suis là que pour une heure ou deux, pas la mer à boire donc.

Le jeune directeur me fit entrer avec un beau sourire, me souhaitant la bienvenue. Pour la circonstance, je lui rendis un beau sourire, qui pourtant n’atteignait pas du tout mes yeux. Un sourire qui ne put que s’élargir lorsqu’il utilisa la formule usuelle « Faites comme chez vous. » Ça gamin, cela ne sera pas possible. Je n’avais plus de chez moi. Je n’en n’avais jamais eu et n’en n’aurais. Cadeau de ma famille céleste. Je les hais et ils me le rendent bien. Mais je ne ferais pas comme lorsque je vivais avec Eros. Ce moment est trop différent, les lieux, les événements.

Le majordome se présenta devant nous, demandant s’il pouvait prendre nos affaires. En un sens, je n’avais rien sur moi, juste peut-être mes habits, mon manteau de cuir usé et mon sac. Rien que je n’acceptais de donner, toutefois, et surtout pour se plier aux convenances, je lui tendis mon vêtement abîmé par le temps et les voyage, avec un petit sourire tout particulier pour lui. Je me tournai vers mon hôte lorsqu’il m’interrogea et à nouveau je fis un faible sourire, semblant ne pas avoir d’énergie.

- Je ne voudrais point abuser de votre hospitalité, Monsieur. Mais dite moi, comment m’habiterais-je, si mes vêtements sont à laver ? Vu que je suis… légèrement plus grand que vous, sans vouloir vous offenser.

Je gardai ensuite le silence, jusqu’à ce que le majordome ne s’en aille. A ce moment précis, je fis un son proche du sifflement dangereux et mécontent.

- Votre homme a-t-il un problème avec les gueux ? ou les clochards, pour me regarder de la sorte ?

Certes cela n’avait guère duré de temps, mais je n’étais pas disposé à ce qu’on porte un jugement de valeur sur moi, rien qu’en se fixant sur ma mise. Pas cette fois en tout cas.

Je me tournai vers lui, le regardant étrangement au fur et à mesure de ses paroles. Ne pas vouloir répondre à ses questions ? être orphelin ? Oui certes nous venions de nous rencontrer, mais toutes les interrogations étaient nécessaires pour se connaître non ? Je fini par passer un léger rire amusé avant de répondre doucement, la voix également amusée :

- Croyez-moi, si je ne voulais pas répondre, je ne l’aurais pas fait. Je ne me sens obligé en rien, rassurez-vous. Quant à être orphelin, ne vous inquiétez pas. Vous pouvez m’interroger autant que vous le voudrez. Je me suis habitué à se statut.

Je passai une main dans mes cheveux, soupirant légèrement. Je ne me sentais décidément pas à ma place ici, même si rien sur moi ne le laissais transparaitre. Pourtant tout ici était beau et magnifique, j’aime ce qui est beau, cela va de soi, ça n’empêche que j’aurais aimé me trouver dans une demeure moins grande, où la possibilité de se perdre est moins importante.

- Je n’ai rien avalé depuis deux jours. Ou trois, je ne sais pas bien. Un fruit devrait suffire à me sustenter.

Un fruit ne suffirait pas, mais je n’avais guère envie de manger plus. Le tout est de ne pas penser à sa faim, et l’on peut aisément l’oublier, malgré la fatigue de plus en plus intense. On peut survivre longtemps en ne mangeant rien, même si chaque étape de la malnutrition et de la famine est extrêmement douloureuse. Une souffrance intolérable, surtout quand le corps décide que pour survivre, il faut dévorer les muscles et arrêter certains organes ne servant pas justement à la survie. L’eau en revanche était un élément fort important et heureusement se trouvant en abondance, ne serait-ce que lors de la rosée du matin.

- Ne vous en faites pas, il regrettera ce regard lorsque je serais plus présentable, vous n’avez point besoin de le sermonner. Comme on dit, l’habit ne fait pas le moine.

Il avait détourné les yeux en rougissant, changeant rapidement de sujet, ce qui me fit sourire plus largement, légèrement moqueur. Craignait-il que je me sente offusqué ? Ou que je ne puisse dire ouvertement ce que je pensais, de peur d’être déplacé ? être dans un lieu, même aussi riche que celui-ci, ne changeait rien pour moi. J’avais vécu dans de nombreux domaines, riches et pauvres. Je n’avais donc pas peur de dire ce que je pensais. D’ailleurs je n’avais que très rarement peur d’ouvrir la bouche et subir ensuite les conséquences.
Je suivi donc mon compagnon à travers les immenses escaliers, les couloirs, et encore les couloirs, des pièces fermées, des salles cachées… J’observais silencieusement tout cela, essayant de tout retenir, sans pourtant mettre autant d’énergie que j’aurais dû le faire.

Je regardais surtout le décor, les cadres et la décoration ayant un goût certain. Rien qu’en observant cela je me sentais déjà beaucoup plus à l’aise. Les choses ostentatoires ne me choquent pas, contrairement à la réaction normale qu’aurait dû avoir une personne de « mon espèce. » Un clochard donc. Je n’avais pas l’envie de voler quel qu’objets, ni même de m’éterniser et de profiter de la gentillesse de ce jeune homme. J’étais comme une personne parfaitement habituée à côtoyer ce genre de lieux, avec la politesse et le langage de convenance.

Je portai enfin mon regard sur l’armoire ouverte devant moi. Peu de vêtements, mais cela me suffirait. De beaux vêtements où il faudrait vérifier qu’ils seraient à ma taille. Je tournai mon visage vers le jeune homme, visage à nouveau dissimulé par quelques mèches de cheveux parfaitement... noirs et gris. Maudite poussière.

- Etes-vous certain que cela ne vous dérange pas ? Après tout, ces habits devaient appartenir à votre compagnon… Je comprendrais que cela ranime certaines souffrances peu cicatrisées.

Je disais cela plus par politesse que réel empathie. En vérité je me fichais pas mal que cela le fasse souffrir que je porte les habits de son défunt compagnon. Comment avais-je deviné que c’était son compagnon ? Les mots au cimetière, le regard et l’hésitation qu’il avait eut en entrant ici.

- Je pense que rester en sortie de bain serait parfait. Cela ne me dérange pas, et cela sera sans doute mieux pour vous.

Pour le moment il pouvait me poser autant de questions qu’il le souhaitait. J’y répondrais, mais sans doute pas tout le temps avec franchise. Pour le moment chaque chose que je disais été nuancé entre vérité et mensonge, un mélange pour adapter ma réalité à celle qu’il convenait de dire. Sans compter que pour le moment seulement, j’étais près à parler, autant en profiter, je ne sais pas s’il en sera ainsi dans une heure. Je réfléchi longuement à la question, qui me déstabilisait légèrement, en fait. Que pouvais-je répondre à ça ? Je fini par fausser les épaules, murmurant :

- Non, du tout. Ma… mes parents peuvent être considérés comme des artistes, le problème vient surtout de fait que l’un ressemble plus à un gigolo couchant avec tout ce qui bouge qu’autre chose. Cette personne était déjà mariée mais ne s’est pas privée pour fricoter avec un autre, conclusion je suis un honteux bâtard qu’il faut exclure de la société. Mon beau père… était habitué aux infidélités, il acceptait tous les bâtards, sauf moi, enfant ultime du déshonneur.

C’était plus ou moins vrai, un gros résumé, qui en fait n’englobait pas toute les conséquences de ce que ma mère avait fait. Sa faute si aujourd’hui j’étais dans cette situation, sa faute si j’étais né. Je ne regrette pas de vivre, pas vraiment, mais je regrette amèrement qu’ELLE soit ma mère. Elle me dégoûte profondément, tout comme mon père, en fait. Je ne ressens que trop bien en moi, leur héritage.

La haine et la colère, côtoyant la plus amère douceur. Comment éviter la folie dans un cas pareil ? Je fis un geste de la main, assez vague mais pourtant clair : je préférais éviter qu’il pose des questions sur mes parents. Sur mes frères et sœurs, enfin pour rien que frères, sur moi, mon oncle et le reste, mais pas mes parents. Il risquerait d’être beaucoup trop choqué des propos que je tiendrais contre eux. Je n’avais déjà pas parlé très… gentiment d’eux présentement. On ressentait clairement ma rancœur et ma haine profonde contre mes géniteurs.

Je souris, amusé par son… « ordre. » C’était drôle, quelque part naïf et adorable. Une petite chose vraiment adorable. Ce serait vraiment amusant de jouer avec lui… voir où ça me mène… Je me baissai, m’inclinant comme en signe de rédemption et de…soumission.

J’acceptais son ordre, alors que sur mes lèvres, s’était peint un sourire vraiment narquois. Puis je me redressai, reprenant tout de suite un visage normal. Le problème fut qu’un violent mal de tête m’électrisa tout le cerveau, me faisant grimacer franchement et je portai inconsciemment ma main à mes tempes. Je sais ce que cela signifie, et effectivement, une fraction de seconde plus tard, des brides de pensées de mon camarade s’infiltrèrent en moi, pour lui cela serait sons doute une sensation fort étrange, pour moi, comme chaque fois que cela arrive, c’est on ne peut plus douloureux et désagréable. Surtout si la télépathie n’est pas désirée.

Je me forçai à refermer mon esprit, au cas où l’échange irait dans les deux sens, ce qui était fort peu probable, cet événement ayant été fort court. Je fermai complètement mon visage, quoique la crispation de mes muscles prouvait que la douleur et la souffrance intolérable étaient encore là. Ma voix s’éleva, tranchante et froide comme la glace coupée par le rasoir le plus effilé.

- Un homme de peu de vertu… de compagnie… Ou un pauvre mendiant qui vendrait ses charmes pour un peu d’argent ou de nourriture. Élégant… Mais pas une mauvaise idée… Je crois qu’il y a bien un lieu ici, je me trompe ?

Je me tus subitement. On pourrait penser que je crachais du venin, ce qui était le cas, mais au fond, ce n’était vraiment pas une mauvaise idée. Offrir mon corps à la luxure et aux stupres ne me dérange pas, il faut juste que… et bien que je choisisse mon compagnon. Je ne couche pas avec n’importe qui après tout, mais si je fais ça et gagne de l’argent en plus, je suis gagnant sur tous les points ! Je fini par reprendre une expression plus… détendue s’il en est, et pris quelques habits dans l’armoire, ce qu’il me fallait. Une chemise à d’un vert très pâle et un pantalon noir, je n’avais pas besoin de plus et je savais que je porterais ces vêtements parfaitement. Après tout, la plupart des habits me vont, ce qui est une chance inespérée.

Puis Hyobe me conduisit jusqu’à une des salles de bain, j’y entrai, fixant les divers produits et savons, puis l’eau chaude et enfin la pièce en elle-même, parfaitement magnifique. J’effleurai quelques meubles, le mur, m’imprégnant de la vie de ce lieu. Puis sans faire attention à si le jeune homme était encore la, j’enlevai mon haut, bataillant un instant pour le retirer complètement et dévoilant un court instant, un dos bien abîmé, deux tatouages – un à l’épaule l’autre en bas de mon dos, se nichant contre mon rein gauche. – J’enlevai alors mes bijoux, les bracelets divers, les colliers, en gros tout ce qui pouvait être abîmé.

- Je vous ferais une surprise en sortant, et avant la... collation, en guise de remerciement à votre généreuse bonté.

Fis-je dos à lui, tournant légèrement la tête pour qu’il puisse voir mon clin d’œil. À lui d’interpréter ce message !

Sénile, a cet âge là? Navré, mais n’y crais pas vraiment. Peut-importe en fait, car finalement, cet homme aussi… « vénérable » soit-il, avait au moins bien compris une chose : mon corps, je suis capable de l’offrir à qui bon me semble. Je parviens à avoir un dénie total de ma personne, je suis capable de coucher avec n’importe qui pour le plaisir, avoir des faveurs, ou de l’argent. Cet état de fait, mon manque de respect pour la fidélité, agaçait et énervait plus d’un. Pour beaucoup – et surtout une fois présentable- on se disait qu’une personne telle que moi ne devait pas du tout s’abaisser à faire ça.

Une fois dans la salle de bain, sans me soucier de savoir s’il me regardait où non, je commençai à me dévêtir, ouvrant à nouveau les lèvres pour dire quelques mots qui sauraient sans doute le perturber, ne serait-ce que légèrement. Il devrait au moins s’interroger sur la surprise… Ce ne serait vraiment pas grand-chose, et je doutais même que cela ressemble à quelque chose, mais il fallait vraiment que je m’y remette. Surtout si je voulais pouvoir gagner un peu d’argent pour loger autre part que sous les ponts et les cimetières. Quand il quitta la salle d’eau, je fermai la porte, terminant de me déshabiller avant de me regarder dans le miroir. Je ne me détestais pas… pas vraiment. Pas maintenant en tout cas.

Je suis assez compliqué, ça doit être dû au fait que mon esprit soit complètement brisé. Je ne suis pas schizophrène, mais je dois tout de même être fou. Je ne déteste pas mon corps pour le moment, mais parfois, je l’abhorrais. Il m’arrivait de me blesser volontairement pour ne plus être le fils d’Aphrodite, pour oublier son héritage. Je n’avais pas honte de me cicatrices, non, jamais jusqu’à maintenant je n’avais eut honte. Elles étaient la preuve de ma vie, de mon histoire et mon passé. Les témoins des combats de l’histoire. Des lignes se croissants et s’entre croissants, loin d’être laides. Juste parfois terrible parce qu’elles signifiaient que jadis, elles avaient dû être terribles.

Je levai mon bras, dévoilant mon poignet, l’intérieur du poignet, un dernier tatouage était visible. Un signe que j’avais été obligé de porté, montrant qu’en vérité, je n’étais plus accepté dans ma vraie demeure, dans les cieux. C’était un dessin compliqué mais magnifique dont une branche s’éloignait du l’œuvre principale pour remonter vers la naissance du pouce, la jonction entre le poignet et le pouce justement, alors que l’autre branche s’éloignait pour remontre vers la partie basse de la main. Je grimaçai en le regardant. Je pouvais redessiner cette chose les yeux fermés, j’avais tenté de l’enlever, sans succès. Je devrais vivre éternellement avec elle.

Je fermai les yeux un instant avant de me décider à enfin me laver. Dans un premier je me contentai de me débarbouiller à l évier, enlevant la majorité de la crasse, de la poussière, pour enfin m’immerger complètement dans l’eau chaude et délicieuse. Ça faisait un bien fou ! Je me détendis complètement, calmant la tension extrême de mes muscles. Je me lavai donc, complètement ainsi que les cheveux. Ça mit un certain temps, mais lorsque tout fut fini, moi séché et habillé, mes cheveux légèrement humides mais propre et donc d’un noir trop profond, on avait la sensation de se trouver devant un autre homme. Mes yeux mauves aussi étaient complètement visibles, et les habits que je portais faisaient ressortir leur couleur ainsi que ma légère pâleur.

Je passai ma main dans mes cheveux, les mettant en désordre avant de quitter la salle de bain en l’ayant rangée un minimum. J’avais retroussé légèrement les manches de la chemise, dévoilant mes poignets aux bracelets et mes doigts portant quelques bagues, et j’avais également laissé deux ou trois boutons ouverts, laissant voir mes clavicules, pour surtout être plus à l’aise. Mine de rien, les vêtements n’étaient pas totalement à ma taille, même si c’était mieux que rien. Je récupérai mon sac et descendis, cherchant Hyobe durant au moins dix minutes avant de le trouver dans une salle toute proche de celle où j’étais. Magistral. J’aime perdre mon temps ! Enfin, je me présentai à lui, le coupant dans sa lecture. Je m’inclinai légèrement en guise de véritable salut, comme s’il découvrait à présent ma véritable apparence. Puis je fis un signe, l’empêchant de prononcer le moindre mot. Je souris, ouvris mon sac et en sorti le seul objet qui prenait de la place. Un superbe violon et un archet. Je me déplaçai et me postai juste devant lui.

Je fermai les yeux, posai l’instrument sous mon menton et tentai quelques notes hésitantes pour retrouver les sensations. Quelques secondes plus tard, je me retrouvais à balancer mon archet sur les cordes, faisant monter une douce mélodie dont je ne pouvais m’empêcher de détester le son. Je trouvais que c’était trop… hésitant, trop de fausses notes. Je n’avais simplement plus l’habitude de jouer. Quelques minutes plus tard, les derniers sons s’élevèrent et je reposai mon instrument, souriant toujours doucement.

- Navré, cela fait longtemps que je n’ai plus joué. Ce n’était pas aussi bon que je l aurais souhaité. J’espère que cela vous a plu.

Je n’irais pas jusqu’à dire que j’avais totalement compris ce jeune home, mais je savais au moins comment il réagirait devant ce que je faisais. Il semblait trop bien né que pour accepter ma soudaine exhibition. Il ne m’aurait pas dit d’enlever tout alors qu’il avait lui-même insisté pour que je les porte, ni que je me change ou me déshabille, encore moins devant lui. Il semblait tout de même attacher aux bienséances, à la pudeur et les limites à ne pas franchir. Des règles fixées qu’il s’efforçait de respecter. De là où j’étais, je ne pouvais que m’amuser. Je n’avais plus de règle, plus vraiment, ou si peu. Je les transgressais sans cesse, je n’avais plus de remord… Ce qui aidait. La seule chose que je parvenais encore à respecter profondément, c’était la nature, la vraie, la belle.

En tout cas le fait de me déshabiller devant Hyobe le fit sortir de sa léthargie. Je m’étais attendu à beaucoup de réactions, mais celle qu’il venait d’avoir arrivait bien à la fin de ma liste des probabilités. Tant mieux, au moins maintenant je connaissais le nom de ce fameux compagnon, et ce sans avoir posé ni questions, ni utilisé la télépathie. Suite à ses paroles, qui pouvaient être prises autant comme une demande expresse que comme un ordre urgent, j’obtempérai, lui dédiant un sourire moqueur qu’il ne vit heureusement pas puisqu’il me tournait le dos.

Puis enfin lorsque j’eus refermé ce que j’avais ouvert, je lui demandai d’une manière détournée quel chemin il fallait prendre. Il ne semblait même plus se souvenir de ses anciennes paroles, alors qu’elles ne remontaient pourtant qu’à quelques minutes. J’haussai les épaules, le laissant croire ce qu’il voulait puisque à la base, cela ne me portait pas préjudice. Même si je pouvais légèrement me sentir insulté par la tournure de sa phrase. Mais bon, je ne vais pas prendre la mouche pour si peu. Je le laissai donc avancer, moi le suivant, derrière, à deux ou trois pas. Il ne pouvait voir mon visage qui avait changé, l’expression de mes yeux et de mon sourire, parfaitement sournois et cruel. Rien que l’idée de pouvoir remettre à sa place ce petit humain, de lui ouvrir les yeux, et même définitivement ouvrir les blessures de son cœur, me rendait… fou de joie. Et je savais que mon frère qui me regardait en cet instant, n’acceptait pas le moins du monde ce qui était occupé à se passer.

C’est dans ma nature de vouloir détruire ce qui est pure et gentil, désirer leur ouvrir les yeux afin qu’ils voient le monde tel qu’il est : moisi et contrôlé par des créatures joueuses et tout aussi cruelle que moi, dans un autre domaine. Des enfants capricieux qui s’amusent avec les humains. Je voulais simplement souiller ce qui était encore immaculé, briser ceux qui dans la vie, avaient eut plus de chances sans le mériter vraiment. De quel droit faisais-je ça ? J’estime n’avoir rien fait de mal à part naître, et ça encore, ce n’était pas ma faute. Avoir été puni, toute ma vie, pour ce crime, était odieux.

L’éducation et l’absence total de véritable amour parental ou qulqu’amour que se soit d’ailleurs, durant mon enfance, avait totalement noircit mon âme. L’arrivée d’Eros n’avait rien changé. Je voulais punir ceux qui était comme mes parents, qui avait toujours tout eu et qui espéraient encore que le reste de leur vie soit ainsi. Parce que ces gens là, je les haïssais plus que tout au monde après ma famille. D’ailleurs je haïssais beaucoup, beaucoup de chose.

Nous arrivâmes enfin dans la pièce, sans que je ne prononce un seul mot durant tout le reste du trajet. Je ne parlai pas beaucoup plus lorsqu’on se mit à table, table plus petite, sans doute pour qu’on soit plus proche. Je me tenais droit, tout comme je m’étais installé avec la distinction princière qui était de rigueur dans un les lieux comme celui-ci. Je ne cesserais de l’étonner… Je savais me montrer parfaitement grossier tout comme de la plus exquise des politesses.

Lorsque le majordome arriva, celui-là même qui m’avait fixé avec ce regard équivoque, me fixa à nouveau un très court instant, visiblement on ne peut plus surprit, tout comme son maître, du changement. Je lui décochai un sourire parfaitement narquois alors que mon regard était parfaitement et on ne peut plus… glacial. Je ne parlai toujours pas lorsque les quelques plats arrivèrent, j’aurais pu faire la conversation, ayant apprit à faire cette chose horripilante durant un repas, mais je n’étais guère décidé à lancé un sujet sur la table. Effectivement, je pouvais à nouveau être taiseux comme fort bavard. Les justes milieux n’existaient que rarement chez moi…

Je fermai un instant les yeux et murmurai très doucement afin qu’aucun mot ne soit audible, comme une prière adressée à ceux d’en haut. Puis enfin, en faisant un signe de remerciement au jeune homme, je commençai à manger, avec cette même grâce qui me caractérisait depuis "l’incident."

Ce n’est qu’après plus ou moins cinq petites minutes que je daignai enfin reprendre la parole, d’une voix presque égale, moi seul ayant la véritable connaissance des inflexions de ma voix… A lui de tenter de donner les émotions qui vont avec. A lui de tenter de me comprendre.


- Il semblerait que les Gens de votre Maisons me prennent plus aux sérieux à présent. Vous aurais-je mit mal à l’aise tout à l’heure ?

Surtout n’allez pas songer que je me montrais prévenant et désireux de m’excuser. J’ai juste envie de… m’amuser un peu. Encore. Je ne sais pas du tout jusque quand cela pourra durer, donc autant en profiter !

Dès que les plats arrivèrent, le lapin sauta, arrivant sur la table, semblant déjà avoir envie de manger. Habitué aux petits traitements de faveurs ? Je n’aime guère ça, les animaux ne doivent pas être habitués à ce genre de comportement… D’ailleurs je ne suis pas tellement pour les animaux domestiques non plus. Je préfère les voir en liberté. J’écoutai mon camarade me présenté son ami pelucheux et je posai mon regard améthyste sur lui avant de bouger négativement la tête. Ça va. Ça ne me dérangeait pas outre mesure. Je n’allais quand même pas chambouler les habitudes de ce petit rongeur inoffensif !

Je repris le cours de mon repas, dégustant avec contentement ce qui nous avait été préparé. Je le savourais d’autant plus que je n’avais plus rien avalé depuis trois jours. Ou quatre, je ne sais plus bien. Je repris enfin la parole, engageant la conversation sur les employés et leurs regards parfois douteux. L’explication ou la réponse que me fourni Hyobe, en plus de ma question, me fit sourire ironiquement. Je savais très bien qu’il avait compris le sens de mon interrogation mais qu’il préférait éluder la réponse pour une raison ou une autre. Je murmurai, laconique et légèrement moqueur :

- Evidemment.

Preuve que je « savais qu’il savait qu’il ne répondait pas à ma véritable question. » A sa guise, en vérité, je me fiche parfaitement de tout cela. Je recommençai à manger, lentement, savourant toujours, sans paraître plus dérangé que ça par le silence ou l’ambiance. Au bout de quelques instants, je relevai la tête en lui décochant un sourire parfaitement indécent et magnifique avant de prendre la parole en lui faisant un clin d’œil.

- Ne vous en faites pas Honzo. Je suis habitué à ce genre de regard, comme celui que vous m’avez porté. C’est presque naturel…

J’émis un petit rire qui aurait pu clairement glacer le sang de ceux qui l’écoutait. Parce que le sous entendu était très clair, sous entendu de ce qu’avait pu être ma vie et les débauches auxquelles j’avais consenti. Mon envie présente n’était pas vraiment de le mettre mal à l’aise, mais plutôt de renforcer le sentiment étrange et le « mystère »qui entourait ma personne. Brouiller les pistes pour savoir qui j’étais et ce que j’étais. Seme, uke ? Aucun des deux en vérité, ou les deux à la fois, au choix. Mais cela, il ne pouvait le savoir.

Je bu quelque gorgée d’eau doucement, élégamment avant de décocher un regard équivoque à mon camarade.

- Je dois avouer que vous n’êtes point désagréable à regarder. Si jeune et déjà père… Vous en sortez vous ?

Je regardai encore une fois le petit animal auquel on osait mettre une sorte de serviette spécialement conçue pour lui. Il était… ridicule. C’était ridicule ! On ne met pas ça à un animal tout de même ! le pauvre… ça fait partie de lui, se salir en mangeant, ça le rend plus naturel. Je ne comprendrais jamais ce besoin qu’on les être de « s’occuper » ainsi de leur animal de compagnie. J’ai l’impression que c’est les rabaisser et je ne supporte pas bien ça. Je fis une légère grimace et secouai doucement la tête, mais cette grimace disparu rapidement. Il valait mieux ne pas trop montrer mes pensées. Après tout, j’étais quand même un invité, et je savais que j’allais pousser les limites très loin avant la fin du repas. Autant donc ne pas trop tenter le diable en cet instant.

La conversation commença, et sa remarque sur l’emploie de son nom de famille me fit pencher la tête sur le côté. Allons bon, maintenant il était étrange d’appeler les gens ainsi. Tout comme le regard qu’il m’avait lancé était discourtois. Ne lui avais-je pas dit que cela ne me dérangeait pas outre mesure ? Que c’était habituel et que je ne lui en voulais pas ? Pas besoin de s’excuser auprès de moi donc. Je pense surtout qu’il voulait s’excuser auprès de son défunt amant. Encore une fois je trouve cela parfaitement ridicule, mais je ne fais aucune remarque, préférant manger pour éviter de devenir un peu trop mordant.

Il était trop fidèle. Ça me donnait vraiment l’envie de… le souiller, le séduire pour mieux le laisser. Je savais aussi que ce genre d’envie pouvait très bien se retourner contre moi. J’avais fait cela une fois et j’étais tombé dans mon propre piège. J’étais tombé amoureux de ma victime, et d’ailleurs, au fond de moi, je savais parfaitement que je l’aimerais toujours un peu. Il garderait éternellement une petite place dans mon cœur moisi.

La conversation continua, je lui fis un compliment tout en m’avançant dans sa vie familiale. Je parlais clairement de choses indiscrètes qui ne me regardaient nullement, mais je ne suis absolument pas gêné. Il peut même me poser des questions auxquelles je ne répondrais surement pas honnêtement, mais ça, il aurait bien difficile de la savoir. Lui en revanche, je pense qu’il est trop honnête que pour me mentir. Pas à cet instant en tout cas. Je posai mes couverts, puis mon coude sur la table, avant de caler mon menton contre ma paume alors que mes doigts repliés cachaient légèrement mes lèvres. Je ne bougeai pas, je l’écoutais et riais intérieurement. Tellement susceptible, si facilement manipulable. Cela serait presque ennuyeux de rester avec lui. Et pourtant, je m’amuse comme je ne me suis plus amusé depuis quelques semaines. Lorsqu’il eut fini, je daignai bouger, me calant sur le dossier de la chaise, les bras repliés contre mon torse et la tête haute.

- En quoi les compliments sont-ils déplacés ? Après tout, je n’ai pas dit que vous deviez être exquis complètement nu dans un lit. De plus, votre amant est mort, il ne peut me faire aucune remarque, et le seul respect que je lui dois est celui qu’on réserve justement aux morts.

Mes mots étaient dur, mon regard, légèrement hautain. Je ne respectais pas les morts et s’il était un tant soit peu observateur, il devrait le remarquer. Il devrait voir qu’au-delà de ça, nous ne vivions absolument pas dans le même monde, malgré ma manière distinguée de manger, parler, me déplacer, que malgré les apparences, je n’étais ni un clochard, ni un homme de la haute société. Je n’appartenais à aucun groupe et je faisais en sorte que cela reste ainsi.

- Quant à votre fils, vous venez de me le dire. Ou plutôt me le confirmer. Il n’y a que quelques détails dans la maison, qui laisse suggérer que vous ne vivez pas en totale autarcie.

Vingt-sept ans… Et il demandait le respect qui lui était dû. Il se pensait âgé… S’il savait combien de « millénaires » j’avais vécu, il réagirait autrement avec moi. Mon regard se faisait à présent orageux. Je sentais la petite bête colérique monter en moi et se débattre pour exploser. Seulement je la tiens bien bridée, je ne veux surtout pas qu’il explose maintenant alors que la réaction de mon camarade devrait être tout simplement magnifique. Sauf qu’avant qu’il ne puisse me répondre, je reprends la parole, soudainement glacial.

- Combien de gens auxquels vous teniez sont décédés ? Combien de gens avez-vous vu périr sous vos yeux ? Avez-vous seulement côtoyé la mort de près pour ainsi vous montrer faible et attristé ? Respecter une chose que finalement, peu de personne connaisse. C’est véritablement rageant et exaspérant.