Le vert, c'est quoi ?

Des gens passent, ils discutent, ils s'extasient devant un couple de cygne. Moi pas, je reste assis dans un herbe mouillée, seul, sans rien voir. Il faut dire, on voit peu de choses quand on est aveugle. J'entends les autres rire, je sens les fleurs des buissons, Je sens la rosée sur l'herbe... Mais je ne vois pas l'amour, je ne peux pas admirer la couleur des choses. Je n'ai que des formes noires et vides. Un jeune garçon, surement un uke rigole :

"_Quel joli vert, j'adore regarder l'herbe du matin !"

J'ai envie de lui mettre une baffe. Je pourrais, je peux le repérer par sa voix. Mais non, je redresse mes jambes et me mets en boule, "regardant" droit devant moi. On m'a dit que je trouverais mon uke dans le parc. Je suis au parc, mais du bon côté ? En fait je m'en moque, je n'ai pas envie d'avoir un gamin près de moi, qui affiche encore plus ma faiblesse. Non je me sens mieux seul, sans personne à entendre. Je sais lire, je joue bien, je n'ai qu'a aller dans un restaurant pour manger. Non je n'ai besoin de PERSONNE pour survivre. Je rentre dans quelqu'un et bien tant pis, je me relève et je reprends ! Je ne veux pas d'un petit qui passe son temps à jacter. J'ai attendu trop longtemps, je me lève et prends le chemin de la sortie en tâtonnant un peu... Avant de me prendre ce qui doit être un banc dans le genou et d'être obligé de m'asseoir. Bon sang, pourquoi ça doit toujours arriver dans les pires moments ? Finalement, je vais attendre encore un peu, que la douleur se calme. Ce sale gosse a intérêt à vite arriver.

Ce matin là, Klein s'éveilla avec un mauvais pressentiment comme ça lui arrive parfois, souvent à raison pour son plus grand malheur. Néanmoins il étendit ses muscles, les faisant roulés, il prit le temps de masser certaines de ses articulations puis il partit prendre une douche rapide. Ce rituel du matin effectuait, il se balada aussi nu que le jour de sa naissance dans son appartement à la recherche d'un boxer propre et d'une tenue de combat. Il enfila cette dernière tranquillement tout en s'échauffant. En passant devant sa coupe à fruit, il saisit une pomme et croqua dedans avec appétit.

Enfin près, il se dirigea vers la porte d'entrée, saisit son sac et ses clefs tout en enfilant sa paire de sous gants qui lui servait quasiment de mitaine. Il sortit, verrouilla sa porte et commença à courir. Notez bien, il n'était absolument pas en retard ! En faites, il arrivait même une heure avant tout le monde. Seulement ... il adore courir, s'entrainer, se dépenser, se défouler et il adore l'idée même de devenir plus fort.

Un quart d'heure de footing à travers les rues avant d'arriver à la salle d'entrainement où il exerçait le métier de professeur de boxe depuis bientôt 4 ans déjà ! Cette salle l'avait vu grandir, avait assisté à ses débuts, à ses victoires mais également à ses défaites. Il avait suer, pleurer, saigner ici. Mais aujourd'hui, devant la salle, un dieu attendait. Klein s'approcha de lui, abandonnant sa liberté illusoire.

"Laissez-moi prévenir mes élèves qu'il n'y aura pas cours aujourd'hui."

Il contourna le dieu sans un regard de plus, poussa la porte de la salle et gagna rapidement la pièce des entraineurs. Il n'était pas le seul matinal, celui qui l'avait entrainé lui-même lorsqu'il était plus jeune : Dologan était déjà là. Klein posa son sac, ils échangèrent un regard entendu et l'ainée serra son épaule avec une certaine tendresse. Tout était dit. Klein ressortit et suivit le Dieu. Ce dernier semblait assez étonné de sa carrure et de son assurance mais ils ne parlèrent pas. Après tout, pourquoi aurait-il parlé à un vulgaire uke ?

Klein observa le trajet, ils allaient au parc ? Oui, son soupçon se confirma. Le Dieu semblait savoir exactement où le conduire, ils s'arrêtèrent finalement entre deux arbres, face à un banc. Un seme était assis dessus, sans doute son futur seme. Enfin ... lui ne lui appartiendrait jamais officiellement. Un uke ne possède pas un seme. Un seme possède son uke. D'ailleurs le dieu confirma cela.

"Monsieur Dragonfly, voici votre uke."

Monsieur Dragonfly, au moins, il connaissait son nom. Klein observa le Dieu s'éloignait sans un mot de plus. Le uke observa son "dominant" d'un œil critique. Il n'y avait pas à dire, il pourrait le maitriser en trois secondes en cas de problème ! L'autre avait-il déjà seulement entendu parler de course à pied ? D'entrainement ? Sans doute pas. D'ailleurs qu'avait-il a ses yeux ?

Je n'ai plus mal. C'est bon j'y vais quand j'entends quelqu'un, un Dieu apparemment. Ca se reconnait au ton narquois, supérieur :

"Monsieur Dragonfly, voici votre uke."

Puis des pas. Il s'en va, les dieux sont tellement "occupés" à diriger leurs petits mondes comme une boîte à joujou. Je les hais. Le uke ne me parle pas, je ne lui parle pas. Soit c'est un gosse intimidé, soit mes oreilles n'ont plus de souci à se faire. Est-il seulement encore là ? Je ne l'ai pas entendu partir donc je suppose que oui. Mais même s'il est "sous mes yeux" avoir une aide me serre encore le ventre. J'ouvre la bouche et dit d'un calme total :

"Je suis aveugle. Tu peux donc partir, je ne le remarquerais pas. Tout du moins, je serais incapable de te rattraper"

Voilà. Je n'ai plus rien à dire. Soit c'est un vrai dominé, qui restera là, soit il connaît le goût de la liberté et il s'enfuira. J'espère qu'il connaît le fait d'être libre, seul. Après tout, l'un de nous deux doit le connaître. déjà petit, quand j'allais à la bibliothèque à tâtons, je sentais les autres me juger... des pauvre petit étaient murmurés des gens qui me proposent leur aide avec pitié... et moi qui était bien forcé d'accepter, comme un chiot, pitoyable. Je lève la tête, suis-je devant lui ? Est-il à côté ou bien je ne l'aurais pas entendu partir ? J'en ai assez de devoir me poser toutes ces questions à chaque minutes de ma vie.

"Si tu es encore là, alors dis quelque chose. N'importe quoi, même des insulte si tu veux."

Je trouve les insultes plus rassurantes qu'un bruit ambiant. A mes oreilles, ça équivaut à un silence. A quoi cet uke ressemble ? Des fois j'arrive à le définir à la voix et au toucher.

Klein ne bougea pas observant simplement "son seme", attendant de voir ce qu'il allait faire.

"Je suis aveugle. Tu peux donc partir, je ne le remarquerais pas. Tout du moins, je serais incapable de te rattraper"

Ainsi il était aveugle ? Bien, ce serait d'autant plus simple de le maitriser. Bien sur, il aurait pu simplement partir, mais il n'avait pas tellement envie d'être considéré comme un rebelle ! D'autant plus qu'il avait une chance de pouvoir le soumettre à sa volonté, ne rien changer de son train-train habituel et vivre en paix. Bien sur, le fait qu'il soit aveugle n'était que secondaire, il ne faut jamais sous-estimer son adversaire. Alors il n'a pas de pitié, il ne se laisserai pas attendrir parce que c'est un handicapé.

"Si tu es encore là, alors dis quelque chose. N'importe quoi, même des insultes si tu veux."

Il n'allait certainement pas insulter cet inconnu ! Il n'a peut-être aucune pitié mais il a de l'éducation tout de même ! De l'éducation et de la patience. Il ne lâcha pas un mot et fit attention de ne pas faire le moindre bruit. Certains aveugles sont particulièrement doué pour entendre et sentir ce qui les entoure, autant chercher à comprendre jusqu'où vont ses capacités !

En attendant, il observe les gens dans le parc. Les couples heureux qui se baladent. Toute cette normalité qui les entoure est rassurante à sa manière. Mais comment la percevrait-il sans ses yeux ? A quel point être aveugle affecterait-il sa perception du monde ? Il réprima silencieusement un frisson d'angoisse et se reprit à l'observation du seme. Il était plutôt bel homme malgré un certain manque de muscle à son goût. Pourrait-il entrainer un aveugle ? Grande question !

Il était curieux de voir ce qu'il allait choisir de faire ? Allait-il partir ? Si tel était le cas réussirait-il à le suivre et à s'introduire chez lui sans que l'aveugle ne le sache ? Il douta un instant du bien fondé de sa démarche avant de se rappeler : il est un seme il pourrait lui faire tout ce qu'il voulait si jamais Klein se soumet. Avant tout, il a besoin de connaitre les limites de ses perceptions.

Personne ne me réponds. J'entends les autres couples qui discutent en riant, des canards qui réclament à manger. Ou peut-être des cygnes, après tout je n'ai pas eu l'occasion d'associer les sons. C'est finalement un passant qui me donne la réponse. Il doit être assez loin, je l'entends mal mais c'est clair :

"Tiens ils doivent être un nouveau couple. C'est pas le seme aveugle, qui est assis ?"

Je suis "ravi" d'entendre que ma réputation est faite à ce point. Le seme aveugle, voilà à quoi je suis réduit. Par exemple : "l'acteur" "le froid" "le grand", d'après ce que je sais, voilà d'autres choses pour me définir, et il y en a d'autre. Même le fils Dragonfly me va mieux que le seme aveugle. Mais pour parler de nouveau couple, il doit être là. J'attends encore pour avoir des renseignement sur lui. Peu de gens nous remarque, je reste assis sans bouger un long moment avant d'entendre tout ce que je veux. Un gamin à la voie aiguë qui nomme cet uke monsieur Asqaar. Je n'en ai pas plus si ce n'est qu'il aurait du être seme. C'est amusant l'ironie du sort : un seme incapable de vivre seul et un uke qui n'a besoin que de lui-même.

Les Dieux nous prennent vraiment pour des pantins. Sans un mot je me lève et avance doucement la main. Je saisis un bras, qui réagit comme étant le sien. Il est musclé, je dois paraître bien frêle comparé à lui. Je sais maintenant où il est, je reste debout à le tenir. Ce n'est pas que j'ai peur qu'il parte. C'est que pour une personne vivant dans le noir, le silence est un maux des plus dur à supporter. S'il veut se taire, tant mieux, j'aurais l'esprit libre, mais je dois savoir où il est. De l'autre main je réajuste mon bandeau qui me serre les yeux. Le monde tourne les gens s'aiment ou du moins font semblant. On nous remarque ou pas, au fond je m'en fous. J'ai une question qui me glace les lèvres, mais impossible d'aller la réchauffer dehors.

Klein entends les rumeurs du parc, tout comme Dragonfly, ce qui gâche totalement son effet. Tant pis, il devrait apprendre à connaitre son adversaire différemment. Une bruit de fond identifia le seme comme "le seme aveugle", ainsi il était assez connu pour être surnommé. C'est bien, cela signifie que le seme sort. Soit quelqu'un l'aider, mais alors où était-il à présent, soit le seme avait un certain besoin d'indépendance et peut-être comprendrait-il le sien ? Non, Klein ne demanderai pas. Il prendrait son indépendance, pas question de s'abaisser à demander.

Le seme se redresse et avance la main vers lui. Durant une seconde, Klein réfléchit à reculer, à éviter cette main ou encore à le plaquer contre le banc, le poignet retourné dans une prise d'immobilisation. Mais le geste n'est pas violent, serait-ce un appel au secours ? Klein ne bouge pas. Les doigts percutent sa peau et saisissent son bras sans trop de difficulté apparemment. La prise lui semble faiblarde, beaucoup trop à son goût une fois encore. D'une main qui se veux douce mais qui se sait puissante, il saisit le poignet du seme l'arrache de son bras et le lâche négligemment un peu plus loin. Le geste peut paraitre d'un dédain affreux, mais se laisser toucher par un adversaire -parce que soyons franc, un seme à tout d'un ennemi à ses yeux- alors qu'il ne sait rien de lui... pas question.

Il se décide soudain à parler, puisqu'il ne peut plus cacher sa présence. D'une voix indéniablement dominante et volontairement sèche, il lâche :

"Je ne partirai pas mais je suis libre d'aller et venir où je le désire, quand je le désire. Tu signeras les documents me permettant de continuer de travailler et en échange, je ne causerai pas de problème sans raison."

Pas question de le vouvoyer, il n'était pas plus bas ni plus haut que lui, juste son égal. Pas question de quémander, sa voix était clair, il ne posait pas une question il annonçait ce qui allait se passer. Pas pitié pour les aveugles et encore moins pour les brindilles sur pattes qui n'ont pas le moindre muscle. Si ce seme avait voulu devenir fort, il serait fort et l'affrontement serait acharné. S'il n'avait pas réussit à devenir fort, il se ferait soumettre tôt ou tard par son uke. Point final. Tout était particulièrement clair dans la tête du professeur. Mais peut-être que le seme n'allait pas être de cet avis ? Peut-être montrerai-t-il une certaine force ? Si les dieux avaient décidés qu'il serait son seme, peut-être était-il plus dominant que lui ? Il en doutait fortement vu l'épaisseur de ses poignets, mais tout ne se mesure pas toujours en force brute. En véritable stratège, Klein le sait bien.

Finalement, il me saisit le poignet et m'éloigne de lui. Il est fort, très fort, alors pourquoi il se contient ? Ca se sent, je sens qu'il pourrait me mettre en miettes s'il le veut. Je reste moi, impassible, et me contente de juger sa force par la façon dont il m'a écarté. Puis il se mets à parler. Il a une voix sèche, dure et grave. Elle ressemble un peu à la mienne :

"Je ne partirai pas mais je suis libre d'aller et venir où je le désire, quand je le désire. Tu signeras les documents me permettant de continuer de travailler et en échange, je ne causerai pas de problème sans raison."

Je ne vais pas dire que je n'aime pas le ton qu'il a, j'ai le même. C'est plutôt l'ordre qui me déplaît. Je reste face à lui et réponds platement, quoi qu'un peu plus fort :

"En temps normal j'aurais accepté sans encombre. Mais personne ne me donne d'ordre, Asgaar. Uke Seme ou Dieu, c'est du pareil au même, on ne me commande pas. Pour la peine, je ne signerais rien avant une semaine."

Tout ce que j'ai dis, je le pense. De plus, je dois savoir ses limites, quand est-ce qu'il me montrera sa vraie nature. Je me rassois doucement sur le banc. Je me sens faible : faible d'avoir recours à ce moyen. Mais c'est tout ce qu'il y a à faire. Finalement, la question qui se tordait en moi réussi à sortir :

"Dis franchement : as-tu pitié de ce bordel d'aveugle sous tes yeux, qui est incapable de faire quoi que se soit seul ?"

Voilà une chose que je ne supporte pas : qu'on ai pitié de moi. Je refuse de vivre avec un gars qui ai pitié de moi, peu importe ce qu'il est. Il n'y a nul besoin de voir pour remarquer la pitié des gens envers moi. Ca me donne l'impression d'être faible. Je déteste avoir l'air faible. C'est parce que j'étais faible que celui se faisant nommé mon père est parti. Il n'y a rien de bon à être faible.

Si Klein se contenait, ce n'était pas par égard pour Dragonfly mais parce qu'il a apprit à maitriser sa puissance. Il l'a apprit, il l'apprend aux autres. Lorsqu'on est fort on doit être capable de ne pas utiliser sa force, sinon ce n'est plus de la force, ca devient une faiblesse.

"En temps normal j'aurais accepté sans encombre. Mais personne ne me donne d'ordre, Asgaar. Uke Seme ou Dieu, c'est du pareil au même, on ne me commande pas. Pour la peine, je ne signerais rien avant une semaine."

Klein eut un sourire sans joie. C'était un affrontement de dominant. L'autre tentait de faire pression sur lui, mais cela ne fonctionnerai pas. Jamais. Il n'allait pas le menacer...

"Ce n'était pas une demande. Tu signeras ce papier."

Simple mise au point. De toute façon ses élèves et ses collègues le couvriraient le temps qu'il obtienne le papier si nécessaire. Tant que le seme ne savait pas où il travaille, il ne craint rien et il le sait. Notez bien qu'il ne cherche pas à écraser le seme ! Ce qu'il pourrait faire de force s'il le désirez.

"Dis franchement : as-tu pitié de ce bordel d'aveugle sous tes yeux, qui est incapable de faire quoi que se soit seul ?
- Pas de pitié non. Tu es seul et tu es dans le parc, à moins que tu vives là, tu sais te débrouiller."

De la pitié ? La bonne blague... On était entrain d'essayer de lui arracher sa liberté, n'était-il pas à plaindre lui aussi ? L'état du seme était particulièrement triste et regrettable, mais il n'y peut rien. Klein ajouta tout de même :

"Je ne te laisserai pas empiété sur ma liberté. Je n'ai pas pitié de toi alors je ne te ferai pas de cadeau mais si tu as besoin d'aide, je t'aiderai."

Cela avait le mérite d'être clair au moins. Le uke n'est pas quelqu'un de cruel, il est professeur, il apprécie d'aider les autres. Si le seme a besoin il l'aiderait, mais il n'était pas un chien d'aveugle non plus.

Ca réponse est des plus clairs. Mais c'est la meilleure qu'on aurait pu me donner. Au moins, je ne dois pas paraître trop faible à ses yeux. Je le suis déjà tant aux miens :

- Pas de pitié non. Tu es seul et tu es dans le parc, à moins que tu vives là, tu sais te débrouiller.

Ce qu'il ignore, cet Asgaar, c'est qu'il a fallut m'aider à plusieurs reprises pour que je vienne. J'ai beau vivre ici depuis toujours, j'ai encore besoin des gens pour me repérer. Il reprends :

"Je ne te laisserai pas empiété sur ma liberté. Je n'ai pas pitié de toi alors je ne te ferai pas de cadeau mais si tu as besoin d'aide, je t'aiderai."

Si j'ai besoin d'aide ? Bien sûr que j'ai besoin d'aide, bordel!!! Je ne sais rien faire tout seul, même sur scène on me guide. Combien de fois j'ai enté de vivre seul, et je finissais toujours à 4 pattes ou à l'hôpital ? Voilà ce qu'est la misère d'un aveugle : j'ai besoin d'aide. Au bout d'un long moment où mon coeur se gèle un peu plus je réponds de mon calme habituel :

"A aucun moment je n'ai voulu te prendre ta liberté. C'est une chose bien trop précieuse, une valeur qui se doit universelle. D'ailleurs, je ne te t'ai toujours pas dit mon nom : Broken, le "cassé". Penses-tu que nous serions capable de vivre ensemble, de plein gré et non pour le plaisir des Dieux ?"

C'est ça le plus important : que l'on puisse s'entendre. Si ce n'est pas le cas, alors vivre à deux ne servira à rien. J'irais moi-même voir les Dieux s'il le faut, mas ça me semble peu probable. Pourquoi exactement ? Je n'en ai aucune idée, mais je pense qu'on peut s'entendre.

Klein fut assez surpris de sa réponse. Ne pas lui prendre sa liberté, alors pourquoi refuser de signer son autorisation de travail immédiatement ? Il ne lui parlait pas de quitter sa maison, d'aller habiter chez son uke, il ne lui demandait pas de se soumettre et sans se soumettre lui-même, il n'affichait aucune hostilité réelle quoiqu'il le considère comme un ennemi ! Il lui avait même proposé son aide s'il la désirait ! Les mâchoires se contractèrent encore un peu plus, si c'était possible alors qu'il ravalait sa colère.

Mais la suite des paroles du dit "Broken" ne lui plairent pas davantage. Le surnom qu'il se donnait lui-même, se rabaissant et geignant sur son pauvre sort.

"Je pense que nous pourrions ... cohabiter. D'ailleurs, il serait logique d'habiter la plus grande et la plus pratique de nos habitations. Comment c'est chez toi ?"

Une petite revanche, pourrait-il réussir à garder son appartement s'il était le plus viable ? L'handicapé avait sans doute ses habitudes dans son logement, ses repères, changer d'endroit devait être angoissant mais en même temps ... Il est dehors, ca prouve bien qu'il est capable de gagner de nouveau repère ! Klein ignore que Broken a tant besoin d'aide, sinon il ne proposerait pas autant de changement. Mais si Broken ne lui explique pas, il ne peut pas le deviner et il ne peut pas comprendre.

"D'ailleurs, tu as un travail ? Si on doit cohabiter, autant se connaitre."

S'il voulait savoir tout sur Broken, il n'avait pas envie de parler de lui pour autant. Alors il n'ajouta rien. Écoutant simplement les oiseaux chantaient du haut de leurs arbres. Écoutant la vie qui continuait. Il pensa un instant à ses élèves qu'il avait délaissé aujourd'hui, ca ne lui plaisait tellement pas ! Il n'avait qu'une envie, partir assuré ses cours. Ce métier, c'était sa passion. Il en avait besoin et ca lui manquait déjà.

J'aime bien mon nom. Broken signifie en effet "cassé" et Dragonfly, sauf erreur "libellule". Pourtant je suis loin de ressembler à ce petit insecte. Et, malgré mes yeux inactifs, je ne me sens pas si cassé que ca. La preuve est que je n'ai pas le besoin d'une canne pour marcher, même si trouver le chemin m'est ardu. Alors comme ça, il pense que nous pouvons "cohabiter" en effet ce terme est moins engagé que "vivre". Malgré tout, je ressens de l'hésitation dans sa voix, pour choisir ce mot. Mais sa question, à la fois elle me fait rire et me tords le ventre. Comment est chez moi ? En 20 ans, je n'ai pas quitté cette maison, et j'ai toujours autant de mal à la connaître. Par contre, qu'il me demande mon métier ne me pose aucun souci. J'aime cette profession, la seul avec laquelle je connais d'autre chose que la colère et la douleur. En étant acteur, j'arrive à être triste, heureux, rêveur et tant d'autre chose encore. En soupirant je décris mon monde du mieux possible :

"D'après ce que je sais, je n'habite pas très loin d'ici. C'est grand, il y a 3 étages. Plusieurs chambres vides, une bibliothèque personnelle et le salon est assez grand pour s'y échauffer et s'entraîner... Tu es dans le sport après tout, je me trompe ? Quand à mon travail, je suis un inter mitant du spectacle, un acteur en bref. Et toi, ou vis-tu et quel est ton nom exact ?"

Donnant- donnant n'est ce pas ? Je lui ai dis tout ce qu'il voulais savoir, je lui ai montré ce que j'ai compris rien qu'en l'écoutant et le touchant. Je lui demande de m'informer de manière égale à ce que je viens de faire. Il est donc logique qu'il m'informe pareillement. Je rajoute vivement :

"Au fait, ne pense pas que je m'apitoie sur mon sort. J'estime qu'il y a un côté positif à être aveugle. Je ne m'en plains pas, et si je te demande de n'avoir aucune pitié envers moi, c'est justement parce que c'est la chose la plus énervante pour moi."

Bon d'accord, je n'ai pas encore trouvé le point positif. Au moins, je ne vois pas la misère et la pitié dans le regards des gens. Voilà un point positif. Et puis les choses sont claires, il ne va pas me considérer comme faible, surtout après ceci. Quand à son aide, je ferais en sorte de m'en servir le moins possible.

Broken habite donc une grande maison, qu'il n'a pas l'air de bien savoir situé ce qui est plutôt inquiétant pour lui. Pas pour Klein, puisqu'après tout, si jamais Broken se perd, il pourrait toujours rentré chez lui, dans son petit appartement. D'ailleurs pour l'aveugle, un endroit moins grand ne serait-il pas plus simple à appréhender ? Il n'osait pas imaginait la galère pour monter des escaliers. Enfin, en connaissant parfaitement sa maison, le nombre de marche, etc, cela devait être très jouable.

En attendant, le seme semblait avoir un véritable don pour comprendre les choses avec peu d'indice ! C'était surprenant et ça démontrait une véritable capacité d'observation et de déduction.

"Je m'appelle Klein Asgaar, je vis dans un petit appartement proche de mon lieu de travail. En effet, je suis "dans le sport"."

Aucune précision de plus. Après tout, il pourrait être prof de basket ou même footballer ! Si son seme découvrait qu'il est un "expert" en combat, il se méfierai davantage et ce n'était pas souhaitable. Il ajouta, espérant le mettre sur une fausse piste :

"Je n'ai pas besoin d'un salon pour m'entrainer. Je fais du footing. Tu devrais essayer, ca te ferai le plus grand bien."

Entretenir et accepter son corps, gagner le sentiment de liberté que peu offrir la course, avec un guide et un peu d'entrainement il pourrait y arriver sans problème ! Peut-être même pourrait-il parvenir à faire ce genre d'activité ensemble ? Histoire de partager quelques choses ensemble et de cesser de cohabiter pour apprendre à vivre ensemble... Enfin, ils en étaient encore très loin.

"J'aurais du travailler aujourd'hui mais j'ai eut le temps de prévenir que je serai absent. J'y retournerai demain. Qu'as-tu prévu aujourd'hui ?"

Encore une fois, il ne s'agit pas d'une demande mais d'une annonce.

Klein Asgaar, un beau nom il faut l'admettre. Mais vivre dans un appartement ne doit pas être toujours agréable, même si c'est proche de son travail. Il n'a pas envie de me préciser sa catégorie de sport, mais je n'en ai nul besoin. Son caractére dominant et sa masse musculaire me laisse supposer qu'il est un combattant. Mais ce n'est qu'une supposition, il y a de fortes chances que je me trompe. C'est pour ca que je n'en ai pas parlé d'ailleurs. De plus il me propose de faire du footing. Pour me prendre un lampadaire de plein fouet, non merci. Déjà que ma démarche est plus qu'hésitante à la normale, je ne vais pas me tenter à la vitesse supérieur. Mais sa proposition m'est tout de même relativement agréable. Il reprends :

"J'aurais du travailler aujourd'hui mais j'ai eut le temps de prévenir que je serai absent. J'y retournerai demain. Qu'as-tu prévu aujourd'hui ?"

Il travaille donc tous les jours. L'avantage à n'être qu'acteur, c'est qu'on a des horaires très espacés. La preuve est que ma prochaine répétition n'est que dans deux jours. Et la représentation dans une semaine. Alors d'habitude j'étudie seul dans ma bibliothèque en braille. J'apprends mes textes, d'autres textes la science et l'histoire... Tout ce qui peut mes passer sous les doigts. Il est vraiment rare que je sorte, et j'ai du épuiser mon taux de parole pour le mois. N'empêche que je trouve à répondre

"Rien. Nous n'avons qu'a visiter nos maisons respectives, pour choisir dans laquelle nous vivrons, puis nous irions manger quelque part. Qu'en penses-tu ?"

Ceci dit je me lève et me repère mentalement. Sauf erreur a sortie est à ma gauche. Je rejoins le sentier lentement et me dirige de ce côté de ma marche hésitante, tâtonnant l'air devant moi au cas où. Juste devant moi, je ne tends pas les bras comme un idiot.Juste je m'assure de ne plus rentrer dans un arbuste ou autre.

Klein travaille de façon très particulière, il n'est pas forcé d'aller à la salle chaque jour, il n'a pas beaucoup de cours mais il aide les personnes qui s'entraine pour de la compétition par exemple. Il donne également beaucoup de cours particulier de "rattrapage" ou de "perfectionnement". Un travail complexe qu'il aime par dessus tout.

Le travail d'acteur l'intrigue mais ne l'attire pas du tout. Il ne comprend pas que l'on puisse aimer être sous le feu des projecteurs même si jouer la comédie peut être "amusant". Peut-être qu'en voyant les réalisations de Broken il pourrait changer d'avis ?

Il n'avait visiblement pas énormément de travail puisqu'il n'avait rien prévu pour aujourd'hui. Il lui proposait de visiter leurs deux maisons pour choisir dans laquelle aller vivre. C'était inédit et soulageant. Bien sur, Broken ne vit pas le sourire s'étaler sur le visage de son uke mais qu'importe, il appréciait vraiment.

Klein observa le seme se levait, réfléchir à sa position avant de se tourner vers la sortie et d'avancer à taton. Sans hésiter mais absolument pas par pitié non plus, Klein saisit l'un des bras tendu. Il ne lui attrapa pas la main, comme un couple amoureux non, il saisit son coude et son poignet le tirant contre lui. A l'oreille il lui murmura :

"Tu es mon guide, je suis tes yeux. Guide-moi."

Il espéra lui montrer qu'il n'avait pas de pitié mais qu'il n'avait pas non plus à craindre la rue. Klein ne laisserait rien lui arrivé s'il acceptait son aide. Sinon tanpis pour lui.. Il n'aurait qu'à se prendre les pieds dans la ligne de caillou qui délimité le chemin et vers lequel il était entrain d'avancer. Sinon, Klein corrigerait la trajectoire et lui éviterait chaque danger.

"Tu habites dans quel quartier ?"

Il préfèrerait aller à son appartement en suite, en réalité, il ne désire pas emmener Broken là-bas s'il ne pense pas y habiter. Il veux garder cette solution de repli, cette intimitée.